Collection Folklore d'aujourd'hui
Les
plus belles chansons de Guy Béart
« Il n'est pas une de mes chansons qui n'ait été dictée par un événement de ma vie, par une émotion vraie, par une nécessité absolue de dire quelque chose, de crier à partir d'une histoire vécue ou pour essayer de convaincre, d'emporter par la conviction de quelque chose de senti » confia, par une longue nuit de veille, Guy Béart, à un anonyme magnétophone...
Dans une première série de treize 45 tours ne figurent que vingt-six chansons. Un choix que l'on a voulu rodé à l'épreuve du temps et que l'on a volontairement arrêté à l'année 1970.
Volume
n° 1 - Il y a plus d'un an - Chandernagor
Volume n° 2 - Bal chez Temporel - Le
quidam
Volume n° 3 - Qu'on est bien - Le chapeau
Volume n° 4 - L'eau vive - Poste restante
Volume n° 5 - Il n'y a plus d'après
- L'oxygène
Volume
n° 6 - Le matin, je m'éveille en chantant - Les bras d'Antoine
Volume n° 7 - Suez - Printemps sans
amour
Volume n° 8 - Les grands principes
- Qui suis-je ?
Volume n° 9 - Frantz - Les souliers
Volume n° 10 - Il fait toujours beau
quelques part - Allo ! tu m'entends
Volume n° 11 - La vérité
- Couleurs
Volume n° 12 - Le grand chambardement
- Les enfants sur la lune
Volume n° 13 - L'espérance
folle - Rotatives
Il y a plus
d'un an
Elle habitait une modeste pension de famille, rue Laromiguière. M....
étudiante en lettres, qui partit en vacances avec peut-être un
bébé d'un mois dans ses flancs. M
, loin de Capoulade et
des longues soirées passées à réinventer le monde,
oublia de donner son numéro de téléphone et omit de répondre
aux lettres d'un amant bien inexpérimenté mais amoureux passionné,
effaré, désespéré : Guy Béart. Un désespoir
qu'il fallait exorciser, comme ça, d'un trait. Et Guy Béart
écrivit la première de ses chansons qui fut publiée :
Il y a plus d'un an. Et la chute « T'as peut-être un enfant, qu'a
une dent contre moi » portait déjà la marque d'un homme
qui allait devenir l'un des plus grands auteurs de chansons. Un homme pour
qui il n'est pas de désespoir sans humour, pour qui le sourire est
la pudeur de toute vérité, donc de toute chanson.
Chandernagor
Mlle M... un an après, toujours aussi bien roulée mais au bras
d'un autre. En ces temps de décolonisation où l'on reparlait
de ces fleurons de l'école laïque, gratuite et obligatoire, qu'étaient
les Comptoirs de l'Inde. Guy Béart lui lança un soir : «
En tout cas, tu as toujours ton beau Chandernagor ». L'idée était
née. Ne restait plus qu'à écrire cette fable vengeresse
qui se termine par un clin d'il : « Elle avait le Pondichéry
facile », allusion au remplaçant bien vite trouvé.
Bal chez
Temporel
À La Colombe, le plus vieux caveau de Paris, François Villon
avait, nous dit-on, table ouverte. Guy Béart se devait d'être
ici comme chez lui, en famille. D'abord client, il y grattait sur sa guitare
au dessert, en fredonnant ses premières chansons, des chansons très
étranges, souvent hermétiques et surréalistes ; les titres
en sont juges : Les cure-dents ; La montagne des vautours ;
Les melons de l'exil, etc.
Au hasard des rencontres Guy Béart se lia avec force sculpteurs, foule
de peintres et autres fêtards et traînent-la-nuit. Il connut aussi
René Fallet, André Vers, André Hardellet qui lui montra
un soir un poème. Le Maître de l'expression libre et spontanée
de la vie la plus quotidienne, avait vu et visé juste, Guy resta en
arrêt devant la phrase : Si tu reviens jamais danser chez Temporel.
Il écrivit la musique dans la nuit.
Bal chez Temporel, c'est une chanson que l'on range aujourd'hui dans
toutes les bonnes anthologies de poésie contemporaine, celles où
l'on ne fait pas l'artificielle et incroyable distinction entre poésie
lettrée et poésie populaire.
Le quidam
L'ingénieur de jour gagnait en notoriété
la nuit. Le chanteur était applaudi et se trouvait bien gêné,
en 1957, en ces débuts de ferveur. Ne savait vraiment pas quelle attitude
il convenait d'adopter dans ces circonstances. Ou se laisser aller à
une certaine griserie, après tout si l'on chante, c'est pour être
connu ; ou bien alors, se cacher derrière sa guitare, laisser aux autres
le soin de chanter ses uvres : tel était le dilemne.
Ce fut résolu avec Le quidam, cet inconnu qui voulait être
célèbre et que l'ironie du sort renvoyait à son anonymat.
Le schéma d'une carrière possible pour quiconque se lance dans
la vie d'artiste.
Qu'on est
bien
L'antagonisme entre les deux sexes, le Yin et le Yan, le creux et la pointe
que Guy Béart manifestait alors en d'autres variations que celles immortalisées
dans la version célèbre de Qu'on est bien.
Dans son spectacle des Trois Baudets en 57, il disait par exemple «
les peignes sur les brosses » au lieu « des bons sur les rosses
». Qu'on est bien c'était aussi le moyen de se cacher
derrière les voix d'un public qui reprenait si commodément le
refrain en chur. Le titre général du premier album Guy
Béart chante avec ses amis. Des amis qui n'ont jamais cessé
d'être plus nombreux et de le chanter. Depuis il est vrai que ses chansons
leur appartiennent plus qu'à lui.
Le chapeau
Le chapeau : c'est un cri de joie. Celui d'un Guy Béart pensant
n'être plus amoureux de M... parce que blotti dans les bras de C...
! J'ai retrouvé mon chapeau cela veut dire : J'ai retrouvé
ma joie de vivre. Le chapeau des jours anciens le galurin : c'est
la naïveté de l'amour.
C'est aussi le cri d'un Guy Béart que la passion d'écrire et
de composer a poussé dans une certaine solitude, loin des copains,
des bistros, des conversations politico-humaines. Guy Béart à
qui les premiers succès font traverser une courte période opportuniste
où il écrit : Je me suis inscrit au parti-pris avec déjà
ce désir d'échapper à tous les systèmes et qui
lui fera écrire plus tard : J'aime mieux avoir envie que raison.
L'eau vive
1958, c'est l'année où Jean Giono entend un confrère
de son sang, de sa race et insiste pour que lui soit confiée la musique
du film L'eau vive que François Villiers doit tirer d'un de
ses livres.
L'eau vive écrite pour un bébé encore mais
dans toutes les chansons de Guy Béart, n'y-a-t'il pas des bébés
qui traînent ? une chanson d'amour, la chanson d'une petite fille
qui va vers le mariage et l'histoire de la Durance domestiquée par
un barrage au prix de plusieurs villages noyés. Et, pour lui, c'est
la chose la plus extravagante qui soit, une chanson qui ne s'est pas contentée
de demeurer en tête des hit-parades durant quatorze mois, mais s'est
gravée dans les mémoires passées et à venir !
Poste restante
1958, c'est encore L'agent double et Poste
restante, la suite de Il y a plus d'un an. Après les retrouvailles
avec M... et des explications qui obligent à la plus pudique des attitudes
: le silence. Celui ,les mots qui doivent être compris sans être
dits. Celui de ces lettres que l'on oublie poste restante.
Il n'y a
plus d'après
Il n'y a plus d'après... Toujours cette même histoire
d'amour. Des retrouvailles où l'on s'essaye à boire des pots
ensemble, à réinventer le temps qui a passé, à
meubler des déserts de silence. Les boîtes du Quartier Latin
n'étaient plus « zazoues », il y régnait toujours
ce même esprit de liberté mais ceux qui le faisaient souffler
avaient changé. Tout comme Guy Béart. Tout comme M
Les
café-crèmes : c'était de l'histoire ancienne.
L'oxygène
Guy Béart avait trouvé son Oxygène. Il n'allait
déjà plus au Mayfair, au Mimi Pinson, au Bal à Jo ou
au Roméo, ces bals du samedi soir où mille dames riches s'évertuaient
à détourner les beaux jeunes hommes des belles demoiselles pauvres.
« Donnez-moi un peu d'oxygène », c'est ce qu'un soir Guy
Béart hurla à une douairière qui l'empêchait «
d'attaquer » une demoiselle beaucoup plus dans ses affinités.
C'était à l'heure du thé, à La Coupole.
Le matin,
je m'éveille en chantant
L'exception qui confirme la règle : Le matin, je m'éveille
en chantant. La seule chanson de Guy Béart qui soit de complète
fiction. Il ne s'est jamais réveillé en chantant.
Quand il s'éveille et qu'il est de bonne humeur, après avoir
pris le temps de boire plusieurs tasses de café, Guy Béart bavarde
avec Fernand, Un ami des plus fidèles que ce Fernand ! C'est un arbre
tout près de sa fenêtre et qui a la gentillesse de lui répondre
de temps en temps !
Par contre quand il est de mauvaise humeur; Guy entreprend de « s'engueuler
» avec un ennemi intime : ce mur qui est face nord et qui a les froides
répliques de son exposition.
Puisque nous en sommes aux confidences, ajoutons que le soir, Guy ne danse
pas pour aller au lit. Il ne s'agissait là que d'écrire une
chanson gaie pour le film Pierrot La Tendresse avec Michel Simon et
Claude Brasseur. La seule petite note vraie est cette « bombe vengeresse
qui un jour fera tout sauter » ; cette terreur de l'Apocalypse que Guy
a glissé là dans la gaieté la plus débridée.
Les bras
d'Antoine
Tout aussi gais, ces « Bras d'Antoine » dédiés à
Antoine Blondin que Guy avait entendu ou croit avoir entendu
dire à une femme malade du chagrin des délaissées : «
On ne pleure pas dans les bras d'Antoine ».
Zizi Jeanmaire créa la chanson en dansant le tango. Juste en ces temps
où les vociférations du twist prenaient possession des ondes
et où Guy, aidé de quelques amis, s'évertua à
relancer le tango latin, feutré, propice aux rencontres et au calme.
Une chanson-gag qui correspondait à cette relance humoristique symbolisée
par une petite phrase : « Je t'aime se crie au fond d'un micro ».
Suez
D'un dîner avec Raoul Lévy, l'un des créateurs du mythe
Brigitte Bardot naquit Suez. Entre l'apéritif et le digestif,
Raoul raconta à Guy comment on produit un film. Par quel hasard miraculeux
en prêchant le faux pour savoir le vrai, en réunisant des fonds
fictifs, en faisant une construction complètement mystificatrice on
parvenait à une réalité qui s'appelle film. C'était
l'époque de Suez, Guy Béart en a fait ce que vous savez avec
une chute sur Panama pour manifester un certain anti-américanisme et
surtout son anti-gigantimultinationalo-pompo-l'air...
Printemps
sans amour
Un Guy Béart qui venait de rompre avec C..., complètement désespéré,
désolé, persuadé que la vie allait devoir s'arrêter
là et qui se servit bassement de cette histoire d'amour pour
en faire le thème principal du film Pierrot La Tendresse. Michel
Simon prêta la juvénile rocaillosité de sa voix. Ce fut
la rencontre exceptionnelle pour ce qui restera l'une des plus belles chansons
d'amour. Dans ce domaine, où il y a tant de concurrence...
Les
grands principes
1963, c'est le temps où Guy vivait avec une hippie avant la lettre,
un mai 1968 avant la lettre. Une belle qui parlait tout le temps, avec beaucoup
de slogans, beaucoup de justifications qui plongeait le couple dans le verbalisme
révolutionnaire, la logomachie et autre parlite aiguë. Après
l'énoncé de tous ses grands principes, la belle finissait toujours
par faire le contraire de tout ce qu'elle avait proclamé. D'où
la chanson totalement vécue mais transposée : Les grands
principes et les grands sentiments.
Qui suis-je
?
Guy Béart à la recherche d'une identité : Qui suis-je
? Pourquoi est-on ? Qui est-on ? Que fait-on ? Pourquoi le fait-on ? Chanson
prémonitoire, actualisée par Mai 1968 et ré-actualisée
par les nouveaux philosophes. D'une centaine de couplets, il ne reste que
les mots essentiels. Ceux qui sont la marque de la jeunesse d'aujourd'hui.
Tous les thèmes de quête d'identité sont évoqués
: la guerre, l'objection de conscience, le socialisme à visage humain,
l'humanisme, l'amour, aujourd'hui, demain, etc. Et cela en 1964.
Frantz
Guy Béart rencontre une inconnue célèbre : Marie Laforêt
et lui demande de chanter Frantz avec lui. Il s'agit d'une chanson
adaptée du folklore autrichien mais la musique est entièrement
de Guy. Marie accepta d'enthousiasme de l'enregistrer. La rencontre ne fut
qu'artistique.
Les souliers
Courchevel, en parasite. Un Guy Béart à la bourse plate qui
se laisse inviter par un ami de taverne désireux de lancer son établissement.
Un Guy Béart qui s'en veut de se laisser vivre aux frais de la princesse
et qui, malheureux, se dit que s'il a raté l'amour, c'est qu'il n'a
pas su prendre le bonheur là où il se trouvait. Qu'il s'était
trompé en s'échappant devant ce bonheur qui crève les
yeux et que souvent on ne voit pas comme ces souliers posés dans la
neige. Une chanson qui a l'apparence de la gaieté mais faite pour se
déprendre d'une infinie tristesse.
Il fait toujours
beau quelques part
Un été où il pleuvait sur la France, où rien de
bon ne se présageait pour les bourgognes et les bordeaux. mais où
il faisait « toujours beau quelque part ». Ce que Guy constata
d'un ton aigre-doux entre Paris et Montréal. Quelques heures pour écrire
cette chanson. Complètement en opposition avec Qui suis-je ?
qui avait nécessité trois années de remise du stylo sur
le papier. Mais à telle question, il est vrai que la réponse
ne peut être sommaire. Elle demande le Temps ! Pas seulement celui qu'il
fait mais celui qui passe. Les deux se confondant, dans un jus où les
mouchoirs d'azur sont demandés en mariage, espérance d'un monde
meilleur, petites satisfactions quotidiennes d'une main-amie que l'on nous
tend, du verre que l'on nous offre !
Allo ! tu
m'entends
Allo ! tu m'entends ?, c'est un coup de téléphone donné
depuis la cage de verre sise, dans le sous-sol du Scossa, agréable
café de la place Victor-Hugo, Guy était entré là
persuadé que cette énième rupture avec G
était
la bonne. Pour tuer le temps de l'attente d'un rendez-vous, il téléphona.
AIlo ! tu m'entends ? est une conversation entièrement vécue.
Un non-sens entre une dame qui vit sous des cieux cléments et un Guy
Béart égaré dans la fourmilière parisienne, avec
ces gens qui frappaient à la porte avec une fébrilité
égale à l'anxiété d'un regard sur le compteur
numérique. Quatre unités, le temps est compté quand on
est vraiment fauché. Et c'était le cas.
La vérité
La vérité écrite à Gennevilliers à quelques
heures d'un gala en plein-air et sous la pluie. La loge était une chambre
avec lavabo, à l'étage d'un Tabac-Café-Billard sordide.
Parce qu'il aime s'imprégner des lieux où il chante, Guy était
venu tôt. Allongé sur un lit en fer aux ressorts rouillés
et grinçants sous le portrait d'un Anquetil fleuri et triomphant illustrant
sa vérité sur le doping, Guy entendait le brouhaha des voix
des joueurs de billard qui lui paraissait symboliser ceux à qui on
ne dit pas la vérité.
Il écrivit d'une traite La vérité. Cette vérité
que son père lui avait enseignée et qu'il a toujours eu tant
de peine à dissimuler. La Vérité, Guy la chanta
pour la première dans un gala de cheminots. Les syndicalistes qui l'avaient
invité lui dirent amicalement que toutes les vérités
n'étaient pas bonnes à dire. Ils ont changé d'avis depuis.
Cette vérité, ils s'efforcent désormais de la démaquiller,
de la dire.
Couleurs
Les méandres de l'amour. Guy Béart dans Manhattan avec une américaine
moitié noire et moitié juive et qui avait souffert de la réprobation
active des juifs qui ne la voulaient que noire et des noirs qui ne la voulaient
que juive. Mannequin, très belle, très intelligente, psychotique,
elle reste une histoire d'amour que Guy n'a pas encore pu ou voulu raconter.
De leur rencontre est pourtant née Couleurs, vous êtes des
larmes inspirée d'une soirée à écouter et
voir Myriam Makéba à New York. Une chanson d'un homme blanc
qui aime les femmes noires et qui est haï par les noirs... En 1967, quand
l'avenir appartenait déjà aux métis ce qu'il dira
plus tard dans Le Messie Guy écrivait, comme ça, très
vite, les souffrances des Couleurs.
Le grand
chambardement
Souffrances aussi mais devant l'injustice et impliquant réellement
un Grand chambardement. Depuis 1960, Guy Béart vivait dans le
chambardement. Sans maison de disque ou vraiment, sans éditeur, sans
agent, avec seulement quelques amis pour le pousser à continuer, à
surmonter cette crise. Ce fut avec des mots : Le grand chambardement,
une expression qu'affectionnait son père et qu'il ressortit à
la faveur d'une chanson qui est à la fois une apocalypse cosmique et
un éclatement de la Terre sous la pression de ses foules En Mai 68,
à trois semaines d'intervalle, le Nouvel Observateur et l'Express l'adoptèrent
comme titre de couverture. La chanson est devenue slogan : Jusque dans
30 ans dit Guy Béart où ce sera l'authentique Grand Chambardement.
Les enfants
sur la lune
Cette chanson de l'espace a été composée en plein mois
d'août 1961 à l'île du Levant. Sortie en 1967, elle a été
rééditée en 1977 à l'occasion du disque «
Futur, Fiction, Fantastique » qui reprenait tous les grands thèmes
de la Science-Fiction que Guy Béart traitait depuis déjà
vingt années !
Les enfants sur la lune et Étoiles garde à vous
furent composées au retour de ce qui aurait du être promenade
paisible en mer et qui faillit tourner au drame de la mer. Une tempête
violente et soudaine surprenant un Guy Béart nu, puisque naturiste,
et deux de ses amis, en pleine mer. Un retour sous des cieux apocalyptiques
d'éclair et de pluie en murmurant L'eau vive pour se donner
du courage. La chance aussi de se trouver dans un courant favorable qui nous
échoue à l'autre bout de l'île sur le coup de 23 heures,
qui nous fait traverser cette partie réservée aux militaires
pour les Top secret , essais de fusées sans rencontrer sentinelle
qui vive pour retrouver enfin la villa amie juste au moment où les
étoiles réapparaissent, où les nuages ne sont plus que
lambeaux déchirés par la lune.
L'espérance
folle
Une nuit de mai 1969 où Guy avait roulé pour gagner le jour,
le soleil et le Midi. Le Midi où, de toujours, il se recharge de toute
son énergie, toute son espérance. Une nuit sur ce tunnel-autoroute
pour se retrouver au matin à longer le bord de mer, à entendre
les Oiseaux, les Cigales, à sentir le Thym et la Lavande. Guy, tombé
du nid de Paris qui reçoit cette phrase tombée du ciel : C'est
l'espérance folle, qui nous console de tomber du nid. Paroles et
musique qui s'abattent sur lui comme un Oiseau blessé et qui lui font
penser à son père, à son regard et à ses espérances.
Le père qui lui aussi aimait tant le Midi !
Rotatives
Guy Béart fut un jeune ingénieur sérieux, qui prenait
chaque matin le métro à la même heure pour le même
bureau. Comme ses voisins voyageurs, il n'avait que le loisir de lire son
journal. Un vice qui lui est resté, il lit toujours beaucoup de journaux
mais c'est normal pour un reporter de notre temps que de lire ce que les autres
écrivent.
Mais revenons en arrière, en ces temps où il s'agissait plus
de gagner de quoi subvenir au quotidien de la famille Béart, Guy se
disait déjà que ces voyageurs anonymes n'étaient que
des enfants séduits par les contes de Perrault qui transposaient les
ogres, les princesses, etc., dans leurs héros du jour.
C'est pour se réveiller du monde mécanisé et ensommeillé
des transports que Guy commença à écrire Rotatives.
Il la travailla dix ans sur un rythme de métro pour en faire
ironie des mots un tube en 1967.