L'EAU
VIVE
J'ai écrit L'eau vive pour une femme. Une femme-enfant peut-être,
gaie et insaisissable comme l'eau vive qui glisse sur les cailloux, les roseaux,
poursuivie par les enfants, et ne sait pas qu'au loin la mer immense est là,
avec ses vagues terribles et ses plages tranquilles.
LE
GRAND CHAMBARDEMENT
Voici le quadrille des torpilles, la danse des neutrons, et la
Lune qui fait joujou. C'est à ça que s'amusent les grands.
LES
COULEURS DU TEMPS
Quand j'étais petit, je voulais tout changer, tout le temps, pour voir
comment ça pourrait marcher
autrement, Mon père me disait
: « Tu prends toujours le contre-pied de la nature ». Depuis,
la nature m'a repris, complètement.
SUEZ
J'ai écrit cette chanson en écoutant un producteur de cinéma
qui m'expliquait comment il devait faire pour monter la super-production d'un
film. Heureusement que je n'ai pas fait de cinéma !
LES
ENFANTS SAGES
Le dimanche après-midi, on s'ennuyait autour de la grande table du
salon, recouverte d'un velours vert. Moi, je me mettais dessous et je lisais
Bicot, Jules Verne, Mandrake le Magicien, Luc Bradefer et Guy l'Éclair.
Et je dévorais les éclairs
au chocolat.
GRENOUILLE
DE L'ÉTANG
J'ai écrit « Grenouille » pour une femme qui riait beaucoup.
Le reste du temps, elle pleurait beaucoup. C'est pourquoi je l'appelais «
Saucisse » ou « Grenouille ».
IL
FAIT TOUJOURS BEAU QUELQUE PART
J'ai écrit ces couplets dans un avion qui allait à Montréal.
Dans un avion, on peut monter au-dessus des nuages et tout à coup,
il y a le ciel bleu et le soleil. Plus bas, il y a comme un tapis blanc. Et
plus bas, sur vous, il pleut.
LE
CHAPEAU
Je n'ai jamais porté de chapeau. C'est pourquoi le plus beau jour de
ma vie, je l'attends encore.
Au fait, je parle souvent de mon père. Mais j'ai écrit en pensant
à ma mère beaucoup de textes dont « Chanson pour ma vieille
» et « Hôtel-Dieu ».
LA
MAISON TRANQUILLE
Ma maison est vraiment tranquille, dans un jardin. Mais le chat, ce n'est
pas seulement le téléphone ! J'ai douze chats : Julio et Roméa
(les frère et sur, cousins de Roméo et Juliette), Minoudo.
Sissounet, Sabissou, Tétado (le petit malin), Boubado (le blanc patriarche),
Placido, Signoufo (qui fait signe et ouvre les portes), Osvvaldo, Marpesse
(qu'elle est bête !) et Tissa, le petit dernier que j'ai trouvé
dans un arbre.
LE
MATIN, JE M'EVEILLE EN CHANTANT
Le matin, je m'éveille en lisant des bandes dessinées ou en
bavardant avec mon arbre Fernand. Je ne chante qu'après le café.
Et encore !
TIENS,
TIENS
Certains m'ont demandé ce que je voulais dire avec « Quibougnoufou,
Abougnoufa
, Tombalaïoulek ». Ceux qui ne me l'ont pas demandé,
c'est qu'ils ont compris.
Qu'ils l'expliquent aux autres.
ALPHABET
Il y a des lettres que je préfère : A, L, 0, S, X, Z et quelques
autres. Je n'aimerais pas qu'elles disparaissent. Question : quelles sont
les lettres que vous préférez et pourquoi ?
LES
FLEURS DE MON JARDIN
J'ai toujours parlé avec les fleurs de mon jardin, mais encore plus
avec les arbres. Près de me fenêtre, il y a un Cèdre bleu
avec cinq grandes branches comme une main. Il s'appelle Fernand. Il me répond
toujours. Parfois, il me provoque. Plus loin, il y a un grand Séquoia
tout efflanqué et droit comme un I. Il s'appelle Adolphe. Il ne me
répond jamais. C'est un prétentieux.
L'ÂNE
Quand j'étais petit, un voisin me prêtait son âne pour
aller dans les collines. L'âne se battait avec ses mouches et je l'aidais
à les chasser. Maintenant que j'habite Garches, je l'ai remplacé
par une bicyclette. C'est pourquoi elle s'appelle Grison.
LUNE,
MA BANLIEUE
Mon père me disait : « Tu es toujours dans la Lune ». Plus
petit encore, je croyais que c'était un fromage qu'un grand chat, un
énorme chat grignotait. Maintenant, je sais que la Lune c'est une tarte.
LES
ENFANTS SUR LA LUNE
Je sais qu'il y a des êtres vivants ailleurs que sur Terre. Mais le
Sapin aux yeux bleus est au fond de mon jardin.
LES
SOULIERS
J'ai écrit « Les souliers » dans la neige, près
de Courchevel. En général, ce sont les pêcheurs à
la ligne qui trouvent de vieilles bottes. C'est ça le miracle.
L'AGENT
DOUBLE
À mes débuts,
je chantais en jouant de la guitare dans une petite boîte du Quartier
Latin, « le Port du Salut ». C'est là que j'ai rencontré
l'Agent Double. Il s'appelait Jacques et René.